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© Huguette Abela - 2019
Encore une nouvelle corde à son arc ! La peinture acrylique n’a plus aucun secret désormais pour Huguette ABELA qui n’est décidément pas une artiste comme les autres. La vie réserve parfois d’étranges surprises aux âmes sensibles qui savent la prendre comme elle vient, même quand les lendemains ne chantent pas nécessairement. Certains achoppements du destin n’ont pas toujours été faciles à dompter, avec des bosses et des pentes invincibles qui l’ont à chaque fois obligée de faire marche arrière. La providence comble néanmoins toutes les carences, ici-bas, quand l’âme est pure et magnanime.
Soudain une brève éclaircie survient et au premier coin de bleu on reprend comme par inertie cette pente naturelle à l’esprit humain qui vous fait glisser vers une seconde vie. Une rêverie désintéressée vous ouvre à la joie et toutes les rancunes s’effacent par le grand bonheur d’un regain si proche. Bercé par tant de promesses, on retrouve d’abord ses petites habitudes de vie égoïste qui replient l’être sur lui-même, incapable de vaincre ses mauvais penchants à l’oisiveté. Mais ne vous y trompez pas : ce fut pour elle l’occasion de mieux faire surgir ensuite cette intensité contenue de la création artistique. Elle en avait retenu la puissance, le plus longtemps possible, pour la libérer au moment opportun, dans ce cours laps de temps durant lequel on pressent cette envolée fugitive de l’âme où la jouissance va débonder sa fontaine de lumière à son acmé. Car l’art est plus fort que les malheurs qu’on supporte. Il crève tous les plafonds de verre que la femme combat courageusement dans nos sociétés patriarcales.
Sa condition sociale lui commande de vivre avec ses visages multiples de fille, de mère, de sœur, d’épouse… Ils constituent en prime autant d’obstacles à son émancipation et, conjointement, une richesse singulière. Mais pour la femme-artiste, ces freins invisibles arrimés à toutes les formes de promotions qui lui sont offertes n’ont plus aucune force d’influence négative face à l’ évidence d’intuition. Huguette ABELA refuse de signer ses toiles avec son nom d’épouse ou de prendre la nationalité française de son mari car elle veut justement préserver son indépendance et son identité de femme orientale avant toute chose, même si l’amour l’ aurait naturellement poussée à désavouer ses convictions par sentimentalisme.
Pour se reconnecter à son élan créatif, celle qui est passée maître à dévoiler ses charmes par le pinceau laisse vaquer son imagination, poursuivant les méandres infinis de l’inspiration poétique et du cœur que font germer en elle ses humeurs vagabondes et ses émotions passionnelles.
A l’âge tendre où chaque découverte est un émerveillement, l’enfant griffonne et crayonne l’image renversée des ombres qui peuplent son univers restreint, avide à tout s’accaparer pour marquer le monde de son empreinte.
Toute gamine, elle ressentait déjà l’envie pressante de dessiner l’idée vivante de ce qui l’intriguait, comme pour dégager les contours d’un sentiment en gestation avec cette urgence de l’impatience qui caractérise les génies précoces. Le monde ne s’impose pas à l’artiste, même s’il constitue sa source d’inspiration originelle. A chaque fois l’artiste s’arrange comme s’il voulait dicter sa loi au monde en faisant émerger par son œuvre créatrice les traces invisibles d’une présence réelle.
Sa première passion qui s’exprima avec force à l’âge de raison ne fut pas cependant la peinture mais la musique, assurément. Certes, une passade éphémère et vite abandonnée car elle nécessitait des exigences de technicité pour atteindre la maîtrise. Cette disposition impérative ne convenait pas à sa folle impétuosité dont les deux principaux facteurs sont l’émotivité et la primarité. Notre coloriste originale est donc une émotive primaire. C’est pour cette raison, s’il en est, que sa pensée aussitôt éclose à la conscience, son esprit imaginatif déploie une acuité de sensation et une vivacité de jugement sans égal. En proie à mille souvenirs, la vision d’un tableau se lie de façon immédiate et rapide à l’action qui doit assouvir sur le champ sa pulsion de produire, façonner et créer.
De la décoration florale à l’ikebana, en passant par la mode dans tout ce qu’elle révèle sur ce degré suprême de la beauté, l’artiste-née a finalement décidé de se fixer sur la peinture abstraite. Sa palette chaude possède cette générosité dans l’ampleur des formes et des coloris qui vient sans doute de sa nature profonde. Ses peintures sont constellées de ces touches d’incandescences prodigieuses aux couleurs frémissantes que vous découvrirez exposées en galerie sur ce site, telle une furie d’éclats ombrés desquels jaillissent des artifices de feu.
La réception visuelle d’ une œuvre numérisée se fracture avec notre modernité et perd quelque peu de son éloquence. C’est pour cette raison que vous verrez d’ abord l’ uniformité sur vos écrans numériques, mais c’est bien la lumière et des flots d’azur que la peintre convoque dans sa peinture. Pour ceux qui auront la chance de la contempler dans la réalité physique, il constateront qu’ Huguette fait se chevaucher sur sa toile les couleurs de la nature en couches épaisses successives. L’ effet de cet agencement transpire de dessous en dessus la puissance de la vie qui vous arrose soudain d’une liqueur inconnue. Approchez-vous, tout disparaît. La féerie s’évanouit dans l’ abîme. Éloignez-vous, et aussitôt le miracle de ses compositions se donne plein et entier. Les mots sont ineffables à en exprimer la beauté. Les structures se désagrègent par strates arborées comme une avalanche jusqu’à son point de chute pour faire paraître, en perspective convergente, des profondeurs inattendues.
Aumale d’Orsan
© Huguette Abela - 2019